Toujours l’aimer- Matthieu Gounelle
Arléa, août 2024, 101 pages
« Vous exigez la vérité. Mais que savez-vous de la vérité ? Que savez-vous de ce qui brûle à l’intérieur, entre le pubis et le nombril ? Que savez-vous du nœud qui se noue, du creux qui se creuse, du vide qui s’installe et s’insinue dans le ventre, les bras et les jambes, finissant par gagner la tête et ronger les yeux ? »
Cette femme répond à celui qui exige des réponses mais en a-t-elle réellement à lui donner ? Elle qui dit tout l’amour qu’elle a pour son enfant. Elle qui ne veut pas le voir souffrir. Elle qui, en un geste, se détache du bonheur d’être mère.
« Tous ces mots sortis du silence, quel sens leur donner ? Vous m’interrogez, je réponds. Mais en vérité, les mots que je prononce n’ont rien à voir avec ce qui s’est passé, avec ce qu’on a coutume d’appeler la réalité. Ils n’en sont même pas la trame qu’il faut chercher ailleurs, loin de leur rassurante mélopée. Les mots, croyez-vous, ont le pouvoir de dire la vérité. Mais non, le langage a pour seule fonction de relancer l’incertitude de la réalité. Pas de la copier, pas de l’imiter. Encore moins de la découvrir. Jamais vous ne vous emparerez de la réalité. Seule la poésie parfois s’en approche. Quand cela arrive, cela dure l’instant d’un éclair. »
Le geste et la folie de cette femme m’ont mise mal à l’aise. Je ne peux imaginer tellement de souffrance. Et cet acte, l’infanticide, est glaçant. La puissance qui en ressort est remarquable car à aucun moment il n’y a de violence. Le poids des mots suffit à me tordre le ventre tout du long. Dire que j’ai aimé, pas aimé, je n'en sais rien mais ce qui est certain, c'est que ce texte laisse des traces…
« Cet amour, je le chérissais et il ne disparaîtra jamais. Comme jamais ne s’effacera son odeur. Il n’avait pas encore de parfum mais une odeur oui. Douce et profonde comme la mer. »
« Cela m’angoissait. Il fallait me libérer de ce lien devenu obsédant. Je ne pouvais plonger sans cesse dans des bras trop tendus, dans des mains trop ouvertes. »