Amande- Won-Pyung Sohn
PKJ, mai 2022, 331 pages
« Les médecins m’ont diagnostiqué une alexithymie, c’est-à-dire la difficulté à exprimer des émotions. Ils ont considéré que, vu mon âge et mes symptômes, ce n’était pas le syndrome d’Asperger et que je ne montrais par ailleurs aucun signe d’autisme. Ce n’est pas que je suis incapable d’exprimer mes émotions, mais plutôt que je n’arrive pas à les identifier. Je n’ai pas de problème à formuler des phrases ou à les comprendre, à la différence des personnes qui ont subi des dommages dans le cerveau. Mais je ne peux ressentir aucune émotion, je suis incapable d’identifier celles des autres, et je les confonds. Les médecins ont tous dit que c’était parce que les amandes dans ma tête étaient plus petites que la normale et que la liaison entre le système limbique et le lobe frontal ne se faisait pas aussi bien qu’elle le devait. »
Tel est le thème de ce roman : l’absence d’émotions.
Yunjae raconte son histoire et son handicap. Comment faire preuve d’humanisme lorsque l’on n’éprouve absolument rien ? Ce jeune homme veut paraître « normal » aux yeux des autres. Avec l’aide de sa maman et de sa mamie, il apprend comment tromper ceux qui l’entourent : des réponses toutes faites, des sourires sur commande ! Mais voilà qu’un évènement tragique vient bousculer sa vie. Se retrouvant seul, Yunjae apprend à faire face à autrui. Fini les codes. Et Gon, un garçon du lycée ne lui facilite pas la tâche.
« Mamie se moquait de moi, me demandant à quoi ça servait de renifler des vieux livres moisis. Les livres m’ont emporté là où je n’aurais jamais pu aller. J’y trouvais les confessions de personnes que je n’avais jamais rencontrées, des vies dont je n’avais jamais été témoin, toutes les émotions que je n’avais jamais ressenties et les situations dont je n’avais pas fait l’expérience… »
Voilà un texte assez particulier. On y parle d’absence d’émotions, il est donc évident que le contenu peut être parfois froid, distant étant donné que le narrateur est Yunjae. Étrangement, ce n’est pas ce que j’ai ressenti. Le jeune homme, impassible à ce qui lui arrive, m’a fait passer par toutes les émotions. J’ai eu pitié de lui devant l’indicible. Envie de le secouer pour qu’il pleure. Rien. Absence. Vide. Néant. Mais c’est lui ! et je compose avec ! J’ai eu envie de le protéger de ce Gon, rebelle et violent, qui le bouscule, lui qui a déjà bien assez subi. Il m’a émue dans sa relation avec Dora, découvrant de nouvelles perceptions. Frissons garantis !
Les sujets abordés sont forts. La mort. Le harcèlement. L’amitié. La tolérance. La solitude. De quoi m’attacher à ce personnage singulier. Yunjae, dont la capacité à communiquer ses sentiments évolue pour mon plus grand bonheur. Courage. Force. Grandeur. Il devient lui et s’ouvre à moi.
C’est avec un petit pincement au cœur que je referme cette lecture. Comme une envie de le suivre, encore, dans son apprentissage de la vie.