Vous n'aurez pas ma haine-Antoine Leiris
Fayard, parution mars 2016, 124 pages
« Notre coccinelle s’est posée sur le nez de la sorcière, elle avait une kalachnikov en bandoulière et la mort au bout du doigt. »
Comme il est difficile de donner son ressenti après une telle lecture ! Il m’a fallu plusieurs jours pour l’accepter, me dire que oui c’est la réalité, encore. Je n’aime pas trop ce thème, qui nous a tous ébranlé ce 13 novembre 2015, où j’ai versé tant et trop de larmes !
Récit d’un papa, Antoine Leiris, se déroulant du 13 au 25 novembre 2015 ; 12 jours qui ont bouleversé sa vie. Antoine a perdu sa femme, Hélène, assassinée au Bataclan. Cet homme a décidé de prendre ‘sa plume’ pour nous offrir une belle déclaration d’amour tout en poésie.
« Je pensais que si un jour la lune disparaissait, la mer se retirerait pour qu’on ne la voie pas pleurer. Que les vents cesseraient de danser. Que le soleil ne voudrait plus se lever. »
Il nous confie ses émotions avant, pendant et après cet évènement qui a fait chavirer sa vie et celle de son petit garçon Melvil. À aucun moment le narrateur n’exprime de colère, de haine envers ‘ces âmes mortes’, il ne veut pas leur faire ‘ce cadeau’.
« Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a faits à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son cœur. »
« Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’aie peur, que je regarde mes concitoyens avec un œil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore. »
Son écriture m’a impressionné tellement elle est pleine d’amour, d’espoir, sans agressivité ni amertume. J’ai pleuré lors de la lecture de ‘la lettre de Melvil’ à l’enterrement de sa maman, impossible d’être hermétique à cela. Antoine surmonte son chagrin pour son fils, garde la tête hors de l’eau pour que la vie continue malgré tout.
« Le soleil, ce 16 novembre, se lève sur notre nouvel ‘il était une fois…’. L’histoire d’un père et d’un fils qui s’élèvent seuls, sans l’aide de l’astre auquel ils ont prêté allégeance. »
Merci à ce ‘papa courage’ qui nous montre bien que la haine ne résout rien et ne fait pas revenir nos morts. Belle route à lui et son fils, c’est tout ce que je leur souhaite.
« Demain, nous allons voir sa mère, ce livre est presque terminé. Il ne me soignera pas. On ne se soigne pas de la mort. On se contente de l’apprivoiser. L’animal est sauvage, ses crocs sont acérés. J’essaie juste de construire une cage pour l’enfermer. Elle est là, juste à côté, attend la bave aux lèvres de me dévorer. Entre elle et moi, des barreaux de papier. Lorsque l’ordinateur s’éteint, la bête est libérée. »