Éditions du Canoë, septembre 2025, 147 pages

Il est des textes qui ne préviennent pas.

Ils ne frappent pas à la porte, ils entrent, s’imposent, s’installent quelque part entre le cœur et le ventre.

Une écorchure fait partie de ceux-là.

Une goutte de sang.

Un point d’interrogation.

Les jours qui défilent.

Le verdict.

Ce foutu crabe.

À seulement 25 ans, l’héroïne de ce court roman voit sa vie basculer. Pourtant, il n’est pas question ici de s’apitoyer. Elle refuse. Elle vit. Elle lutte. Elle devient Genevièy – contraction de "jeune vieille" – figure de résistance et d’ambiguïté, qui traverse la maladie à sa manière, avec ses codes, ses silences et ses cris intérieurs.

Ce qui frappe, c’est la langue. Marianne Gokalp ne cherche ni l’effet, ni la pitié. Elle écrit juste. Avec une poésie brute, une liberté de ton rare, une pudeur qui n’empêche pas l’intensité.

Pas de narration larmoyante ici : la maladie est là, omniprésente, mais elle n’est pas seule au centre. Il y a le corps, les pensées, le regard des autres, la place des soignants, et cette volonté de ne pas se laisser engloutir.

On assiste à un combat lucide, sans héroïsation forcée. Genevièy chute, doute, rage, espère. Elle cohabite avec le cancer autant qu’elle le confronte. Et dans cette tension, il y a de la beauté.

En 147 pages, Une écorchure parvient à dire beaucoup.

C’est un texte qui interroge notre rapport à la maladie, à la jeunesse, à l’identité. Un texte qui rend hommage, aussi, à celles et ceux qui accompagnent, soutiennent, soignent.

Je suis sortie de cette lecture sans mots, ou plutôt avec des mots à apprivoiser encore, tant ce récit continue de résonner.

Une écorchure n’est pas un roman sur le cancer. C’est un roman sur la vie malgré tout, sur la résistance intime, sur ce que veut dire « se battre » quand on n’a pas choisi la guerre.

C’est une lecture dérangeante et lumineuse, poétique et crue, tranchante et tendre à la fois.

Un premier roman remarquable.