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21 septembre 2017

Ces rêves qu'on piétine- Sébastien Spitzer

 Les éditions de l’Observatoire, parution août 2017, 305 pages

     Quoi ? Encore un roman traitant de la Seconde Guerre mondiale ? Non je passe mon tour, j’ai eu ma dose avec la rentrée littéraire de 2016 ! Et puis, cette visite chez mon libraire préféré déclenche ce petit quelque chose dans ma tête de lectrice. Zou dans mon sac !

     Sébastien Spitzer nous plonge dans les derniers instants du régime nazi mais avec une double vision : celle des bourreaux qui sentent que leur pouvoir faiblit et celle des survivants qui font de leur lutte chaque instant.

 

     Avril 1945, Magda Goebbels se réfugie  avec ses six enfants dans le bunker du Führer, côtoyant les disciples d’Hitler. Emmurée, elle se remémore son passé. Cette gamine pauvre, élevée par des religieuses en pensionnat, qui tombe plus tard amoureuse d’un avocat dont elle aura un fils Harald qu’elle idolâtre plus que tout. Cette femme qui lors d’un meeting politique tombe sous le charme du gauleiter. Fascinée par le pouvoir et la domination elle voit son univers sombrer lors de l’arrivée des Américains.

« Montrer le bon exemple. Apprendre à étouffer ses doutes, les jeter, s’en débarrasser. Le poids des morts est un fardeau. Les doutes détruisent. Les certitudes élèvent. Les ambitions, la volonté, la force et le courage font la grandeur. Le doute est une mort lente, un épuisement de la race. Il y aura une victoire ou une chute. Mais pas de renoncement. »

     En parallèle, Ava, trois ans, rescapée des camps avec sa maman Fela. Elles fuient les atrocités à travers les champs jusqu’à croiser la route d’un certain Judah qui trimbale avec lui un rouleau de cuir contenant les lettres de Richard Friedländer destinées à sa fille, Magda. Ava se voit porteuse de ce symbole de mémoire qui par la suite contiendra beaucoup plus de témoignages de survivants.

« Hier, deux vieux comme moi, c’est-à-dire pas si vieux, sont morts sous mes yeux. Ce camp est un accélérateur. Il ruine toute espérance. »

« L’esprit du Mal existe, ma fille. Il est entré dans ce camp. J’ai vu son visage. Sa couleur. Ce sont les hommes de Hitler. Ses clones aryens. Tellement plus hommes que nous autres qu’ils sont devenus les prédateurs. Des loups pour l’homme, comme dans le Léviathan. »

 

     ‘Ces rêves qu’on piétine’ est un roman où l’humain prône, il a sa place du mauvais côté de l’Histoire avec Hitler, ce fou qui a fait trembler le monde avec ses idéologies diaboliques, mais aussi et heureusement du bon côté de l’Histoire où ces survivants ont fait preuve d’un immense courage pour affronter la folie d’un homme.

     Le sujet de la Seconde Guerre mondiale est traité à la fin du conflit et cela change des autres textes sur cette période. On y découvre la place de Joseph et Magda Goebbels auprès d’Hitler. Magda prend une revanche sur ce passé dont elle a tellement souffert. Elle mène à la perfection ce rôle de femme puissante du IIIème Reich allant jusqu’à tuer ses enfants. Comment peut-on en arriver là ? Que se passe-t-il dans sa tête ? Grâce au travail de recherches que l’auteur a mené nous pénétrons la tête de Magda Goebbels sans pour autant en excuser le geste. Je précise que ce n’est pas un roman d’Histoire, le père de Magda tient une place prépondérante tout au long du récit ce qui donne une autre vision sur cette femme.

     Les lettres signifient l’horreur des camps de concentration, l’inimaginable à nos yeux. Ava en est l’unique héritière et les bichonnent tel un doudou, ne pas les perdre pour ne pas oublier.

     Sébastien Spitzer maîtrise son sujet du début à la fin, il le raconte avec justesse sans tomber dans le pathos. Certains passages sont insoutenables mais indispensables dans la construction du récit, laissant le lecteur s’imprégner au plus près de cette part de l’Histoire.

« Il a retenu la leçon. Pour survivre, il faut s’oublier. Oublier l’épuisement. Oublier les blessures. Oublier ce creux au bide. Oublier ses besoins et les odeurs d’urine et de merde qui leur collent à la peau parce qu’ils n’ont pas d’autre choix que de se chier dessus, sans perdre la cadence. »

« On ne dénombre pas les juifs. On ne les désigne pas. Ils sont. Ils existent. Ils vivent. Les chiffres qu’on leur a tatoués sur la peau sont une désignation mortelle, un doigt comptable qui les livre à la mort. On ne compte pas les Juifs. »

     Un livre profond qui trottera longtemps dans ma petite tête…

 

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