Éditions Héloïse d’Ormesson, août 2023, 159 pages

Isor est une enfant unique, singulière. N’entrant dans aucune case, certains professionnels l’ont diagnostiqué comme autiste, idiote, retardée, infirme… Aucun de ces constats n’a permis d’aider la jeune fille et ses parents dans un quotidien fait de silence.

« Isor peut être très différente d’un jour sur l’autre, mais elle reste toujours elle-même, sincère, incapable de tricher. Elle ne peut pas se contenir à une seule personne, à une seule apparence. Elle est plusieurs, elle est trop vaste. C’est sa manière à elle de saisir le monde du mieux qu’elle peut. »

Et puis un jour, Lucien, voisin septuagénaire de la famille, vient à garder Isor. Cet homme âgé, solitaire, au sourire effacé tend une main à l’enfant. Entre ces deux êtres, c’est le coup de foudre immédiat.

« Oui, j’y pense de plus en plus, quand je suis avec mon Isor, me revient cette impression que je ne ressentais plus depuis des années : être à ma juste place. »

Quelques années plus tard, un évènement vient bouleverser ce duo insolite. Au nom de son ami, Isor décide de fuguer en Sicile pour accomplir une mission. Prenant son envol, se révélant, Isor brise sa carapace et décide de vivre sa vie.

« L’amour a sa grammaire. Et comme dans toutes les langues, sans la pratiquer, on la perd. Au fil des mois, j’ai réappris l’Absence, l’Attente, le Comblement, la Dépendance, la Fête, l’Impatience, la Jalousie, le Rêve et la Rêverie, le Ravissement, le Rendez-vous, le Souvenir et la Solitude. Tout un abécédaire que je potasse studieusement. J’aime être cet écolier des sentiments. »

Un roman en trois actes, à quatre voix. D’abord, les parents, prenant la parole pour raconter leur enfant, singulière et solitaire. Démunis, ils tentent de comprendre le monde qui entoure leur fille. Ensuite, c’est Lucien. Homme cassé par la vie qui entrevoit la lumière grâce à Isor. Enfin, Isor, son amour, sa vie sublimée.

Une construction et une maîtrise impressionnantes pour un premier roman. Avoir les différents points de vue des protagonistes m’a fait me sentir au plus près de chacun d’eux. Ainsi, j’ai pu comprendre le désarroi des parents, le manque de réjouissance de Lucien et le mutisme d’Isor. J’ai été très touchée par cette jeune fille qui n’existe qu’avec des gestes mais renvoyant tellement d’émotions. Rien ni personne ne peut la dompter. Elle décide d’être libre, à sa façon, et c’est bouleversant.

À lire pour ouvrir le champ des possibles…