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3 mars 2023

Quand tu écouteras cette chanson- Lola Lafon

Stock, août 2022, 250 pages

 

Si l’on vous offrait la possibilité de passer une nuit, une seule, dans un musée, où iriez-vous ? Au Louvre ? À l’Hermitage ? Au British Museum ? Au Vatican ? Le choix n’est pas évident à faire, je vous l’accorde ! Pour Lola Lafon, passer une nuit au Musée Anne Frank à Amsterdam est une évidence.

En août 2021, l’autrice passe plus de 10 heures dans un appartement vide. Ce lieu, retrouvé par Otto Frank en 1945, pillé par les nazis, est et restera vide à tout jamais, volonté du seul survivant de la famille Frank.

« Otto Frank, qui, lorsqu’il fut question de faire de l’Annexe un musée, en 1960, exigea que l’appartement demeure dans l’état où il l’avait retrouvé. Qu’on en soit témoin, du vide, sans pouvoir s’y soustraire ; qu’on s’y confronte.

Voyez ce qui jamais ne sera comblé.

Ainsi, en sortant, on ne pourra pas dire : dans l’Annexe, je n’ai rien vu. On dira : dans l’Annexe, il y a rien et ce rien, je l’ai vu. »

L’immersion dans l’histoire d’Anne Frank renvoie Lola Lafon à la sienne. Héritage familial au passé douloureux, Lola Lafon nous en dévoile plus sur ses origines juives. Très discrète à ce sujet, je le découvre donc.

« C’est elle, Ida Goldman, la raison de ma nuit dans l’Annexe ; elle qui m’a offert, j’avais une dizaine d’années, une médaille dorée frappée du portrait d’Anne Frank. La maladresse de ce portrait peu ressemblant offre à Anne Frank le futur qu’elle n’a pas eu : elle paraît âgée d’une quarantaine d’années. Cette médaille, m’expliqua ma grand-mère, il me faudrait toujours la conserver. N’oublie pas. »

 

R

 

Avec une dizaine de post-it présent sur l’ouvrage, je peux certifier mon immense coup de cœur pour ce texte si intime et riche en émotions. Lola Lafon se livre avec honnêteté sur sa propre histoire, son écriture. «  Pourquoi écrit-on ? Peut-être est-il possible de répondre par la négative : ne pas écrire met à vif toutes les failles, alors on écrit. » Elle remet aussi les points sur les i concernant les écrits d’Anne Frank, grande écrivaine et pas seulement symbole de l’Histoire. « Anne Frank, que le monde connaît tant qu'il n’en sait pas grand-chose. Une image, celle d'une pâle jeune fille aux cheveux sagement retenus d'une barrette, assise à son petit secrétaire, un stylo à la main. Un symbole, mais de quoi ? De l'adolescence ? De la Shoah ? De l'écriture ? »

Quand tu écouteras cette chanson est un livre très riche. J’y ai appris de nombreuses choses sur la famille Frank : l’interprétation, l’adaptation faite du journal, le rapport à la sexualité… Il est aussi question de transmissions. Raconter encore et encore ce pan de l’Histoire qui peu à peu en perd ses témoins directs. Une nuit au musée que je ne suis pas prête d’oublier.

« Comment raconter la fin d’une histoire sans la clore, si ce n’est en y laissant des silences, comme en musique : une respiration entre deux notes, la promesse d’une suite.

Ils n’ont pas disparu, ils sont là, les absents. Ils persistent et la trace que laisse leur absence est une question.

Que faire d’une seule nuit, il faudrait des années pour y répondre. Il y a si peu de temps, il n’y en aura jamais assez. Il n’y aura jamais assez de vivants pour répondre aux morts.

Qu’elle nous cherche, leur absence, qu’elle ne cesse pas de nous chercher. »

 

 

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