Et soudain, la liberté- Caroline Laurent Évelyne Pisier
Les Escales, parution août 2017, 442 pages
‘Et soudain, la liberté’ récit autobiographique écrit à quatre mains. L’explication : au décès d’Évelyne Pisier, son éditrice Caroline Laurent relève le défi lancé par celle-ci : terminer le livre. Cette œuvre est bien plus qu’un livre, c’est la rencontre ou plutôt le coup de foudre amical entre deux grandes femmes. « L’intensité d’une amitié, ça vous fait une joie pour mille ans, c’est comme un amour, ça vous rentre par le nombril et vous inonde tout entier. »
Évelyne Pisier raconte l’histoire de sa famille à travers son personnage Lucie et celui de sa mère Mona. Lucie est née à Hanoï en 1941 d’une mère soumise et d’un père pétainiste et antisémite. « Trop d’ambiguïté. C’est ainsi qu’Évelyne résumait la relation de ses parents. Domination et soumission, jeux d’enfants et surenchère. » Mona est très amoureuse de son mari mais décide un jour de ne plus subir. De là s’enchaînent pour elle les relations, les divorces, les amants… Mona s’émancipe et devient féministe grâce à la lecture de Simone de Beauvoir. Lucie déteste son père jusqu’à l’ignorer. Elle fait de belles études et devient une femme d’action, qui mouille le maillot pour faire entendre sa voix, l’emmenant même jusqu’aux bras de Fidel Castro.
En parallèle, Caroline Laurent, intègre son ressenti sur la construction du récit, elle se met à nu pour nous offrir sa propre histoire. Elle, fille de mauricienne dont la mère a connu la colonisation et la classification sociale. Elle se retrouve un peu dans les mots d’Evelyne Pisier. « Dans ma tasse de thé ont défilé tous les souvenirs, ceux qui nous unissaient directement, elle et moi, notre rencontre, nos échanges, nos dîners, mais aussi tous les autres, ceux qui lui appartenaient et qui, par un acte aussi troublant que merveilleux, étaient devenus les miens : l’histoire de sa famille, de sa vie, dont elle m’avait fait cadeau en choisissant la fiction. »
Comment ne pas être sensible à ce texte, à cette écriture, à cette amitié, à ces parcours si symboliques ? ‘Et soudain, la liberté’ est de ces romans qui vous secouent à jamais de par son contenu. Des femmes au destin remarquable, engagées politiquement, prêtes à tout pour faire bouger leur société. 442 pages pour voyager de l’Indochine à Cuba en passant par la Nouvelle Calédonie lors d’évènements marquants du XXe siècle. Une lecture où je remarque à quel point la liberté des femmes a été difficile à atteindre, une lutte sans merci. C’est sincère, fort, prenant et unique en son genre. Et comme le dit si bien Caroline Laurent c’est un ‘OLNI objet littéraire non identifié’ !
J’ai eu l’honneur de rencontrer Caroline Laurent à la librairie Doucet (Le Mans), un moment riche en émotions pour cette éditrice au grand cœur que je vous invite à lire, ICI.