Grasset, parution janvier 2017, 235 pages
Après un coup de cœur ou plutôt un gros coup de poing avec son premier roman ‘Je me suis tue’ Mathieu Ménégaux avait mis la barre très haute et je ne suis pas surprise que celui-ci soit tout aussi fort.
Tableau de famille idyllique. Maxime et Daphné mènent une vie sans encombre depuis une dizaine d’années. Les jobs parfaits, fous amoureux l’un de l’autre, deux filles Claire et Lucie. Cependant un soir tout bascule lorsque Claire se confie à sa maman sur les agissements de son père lorsque celle-ci est en déplacement pour affaires. Daphné ne croît pas un seul instant les élucubrations de sa fille aînée, pense simplement qu’elle manque d’amour maternel et décide de jouer la corde sensible pour interpeller sa mère.
« Comme vous, je n’ai pas écouté le message. J’ai préféré condamner le messager, c’est tellement plus simple, plus confortable. »
Bien évidemment lorsque Daphné en parle à Maxime il nie les faits qui lui sont reprochés. Tout rentre dans l’ordre, chacun reprenant sa routine.
« Je me suis raccrochée au quotidien, ces mots idiots que l’on prononce mécaniquement, sans y penser, certains que nous sommes de vivre dans un monde protégé où l’enfance est sacrée. »
Mais plus les jours passent et plus Daphné est obsédée par les dires de sa fille. Est-ce vrai ? Sa fille ose-t-elle lui mentir ? Pourquoi fait-elle ça ? Daphnée est prise entre deux eaux. Qui choisir ? Son mari ? Sa fille ? Et puis clac Daphné décide de prendre ses filles sous le bras, de les protéger et de se battre pour que la vérité explose au grand jour.
« Je tournais le dos à des années de bonheur, à ce cocon familial que j’avais mis tant de soin à aménager, pour un saut dans l’inconnu et l’angoisse mais je me sentais déterminée. »
La voici embarquée dans une procédure judiciaire rocambolesque, qui la dépasse.
« Le rouleau compresseur était en route et mes membres se brisaient un à un sous son avancée. »
Le roman est écrit sous la forme d’une correspondance entre Daphné et sa belle-mère Elise. Elle lui livre sa version des faits afin de pouvoir se reconstruire sereinement.
Une lecture qui m’a tenue en haleine parce que je ne voulais la ‘subir’ qu’une fois. Comment en ressortir insensible ? Indemne ? Nous plongeons dans les entrailles d’un couple parfait qui se disloque, se brise. Le combat de la mère pour faire valoir ses droits, pour que ses filles ne souffrent plus est remarquable. J’ai eu envie de vomir à plusieurs passages, de jeter ce livre et puis Mathieu Ménégaux tire un fil tendu où le lecteur mène le même combat que la mère, l’accompagnant jusqu’à la dernière phrase.
Cette histoire inspirée de faits réels laisse des traces, nous poursuit tel un cauchemar au réveil, elle nous indigne et nous chamboule.
J’ai apprécié la recherche documentaire que Mathieu Ménégaux a menée pour écrire ce roman, le rendant plus crédible et plus humain.